Loki ne savait même plus pourquoi il était ici, au zoo. Après tout, ce n’était pas comme si le faux-Loki, le Loki Laufeyson, était enfermé derrière des barreaux ou une vitre en train de faire le macaque ! Quoi que, cela aurait pu s’avérer hilarant et au moins ce sale type aurait été remis à sa juste place !

En réalité… Farbautison ne savait pas s’il appréciait véritablement le concept de zoo. Cela lui rappelait tellement l’époque où son fils Fenrir avait été emprisonné et maintenu ainsi durant des millénaires qu’il ne pouvait qu’imaginer que les animaux présents ici n’étaient pas heureux, qu’ils souffraient et qu’on les retenaient contre leur gré. Cela lui faisait même mal au cœur. Il déambulait dans les allées, s’arrêtant pour lire les étiquettes sur les espèces différentes des animaux et où ils avaient été trouvés ainsi que leurs noms. Il tenta de les démêler les uns des autres. Le tigre Shihin avait apparemment un tempérament fainéant, contrairement à celui nommé Segun qui lui était hyperactif. Pour le coup, les deux tigres gisaient là, leurs queues remuant légèrement, presque inertes et souhaitant manifestement dormir. Un sale gosse n’arrêtait pas de taper au carreau pour les faire réagir, et Loki en eut bientôt assez. Il montra une illusion au gamin dans laquelle il se faisait manger vivant par un tigre, ce qui lui causa de pousser un hurlement et de s’enfuir à toutes jambes sous le regard effaré de sa mère. Bon débarras, pensa-t-il.

Au détour de l’allée des tigres, alors que cela faisait une bonne demi-heure qu’il tournait un peu en rond, il repéra une tête connue, une tête dont il appréciait grandement la vue ; Zephyr Haddock visitait également le zoo. Quel heureux hasard ! Loki afficha un grand sourire, lui faisant un signe de la main qui manifestement passa totalement inaperçu puisque dès qu’elle fut à sa hauteur, elle ne s’arrêta pas, ne le regarda pas, et continua son chemin. Loki resta pantois quelques secondes avant de se reprendre et de lui courir après. Il lui attrapa doucement le bras et la fit se tourner vers lui.

“Tout de même, Zephyr, je suppose que vous vous souvenez de moi ! C’est moi, Loki Farbautison, du café ! Je dois m’avouer extrêmement peiné que vous n’ayez jamais pris la peine de m’appeler… Nous aurions pu partager l’agréable compagnie de l’autre autour… d’un autre café…”, dit-il avec un sourire en coin.

Cette femme lui avait fait un effet fou lors de leur première rencontre, et maintenant qu’il la revoyait, il sentait à nouveau ces mêmes fourmillements dans les muscles, la même sorte de torpeur qui envahissait son esprit de tranquillité et de bien-être. Cette femme était trop parfaite pour être réelle, et pourtant, il lui tenait bien le bras. Bras qu’il lâcha, d’ailleurs, se rendant compte que cela aurait pu gêner la jeune femme. Enfin, il ne pensait pas que quelque chose puisse réellement la gêner, vu la manière dont elle lui avait sauté dessus pour l’embrasser sauvagement sous le regard de tous les clients du café après qu’il lui ait fait son petit numéro. Il n’avait eu de cesse de penser à elle lors de ses temps libres, quand il n’était pas occupé à comploter contre les Ases ou préparer ses cours, ou encore à espionner l’autre Loki, celui qui avait eu l’impolitesse et la vanité de le traiter de “faux”.

Loki avait raconté suffisamment de mensonges au cours de sa longue vie pour en reconnaître un à des milliards de kilomètres. Ce que disait Zephyr était totalement faux ; elle l'avait reconnu, mais avait choisi de l'ignorer. L'avait-il mis mal à l'aise lors de l'illusion qu'il lui avait montrée quelques jours plus tôt ? Pourquoi alors avait-elle réagi par la suite en l'embrassant à pleine bouche devant des dizaines de clients aux yeux ébahis ? Cela ne faisait aucun sens ! S'était-elle jouée de lui ? Lui avait-elle fait croire qu'elle était intéressée alors que finalement, elle ne l'était pas ? Un mal-être s'installa dans le ventre de Loki, mais il le cacha à la perfection en lui renvoyant simplement un regard qui signifiait qu'il savait pertinemment qu'elle était en train de lui mentir. Puis, à sa seconde réplique, il sourit de toutes ses dents.

"Vous faites allusion à ce que je vous ai montré… Certes, ce n'était pas réel, mais l'intention y était ! Je n'allais tout de même pas vous plaquer contre un mur devant tous ces gens qui n'avaient rien demandé ! Quoi que, vous ne vous êtes pas gênée pour me monter dessus juste après… Et ça, c'était réel…"

Loki se rappela qu'elle avait également signifié que ça avait été moins bien que dans l'illusion. Il s'était renfrogné à ce moment-là, vexé, mais était finalement passé outre les paroles de la jeune femme. Il connaissait l'étendue de ses capacités, après tout, et il était même près à lui prouver autrement que dans une simple illusion ! D'ailleurs, alors qu'il levait la tête, il vit du gui accroché juste au-dessus d'eux et un sourire presque carnassier effleura ses lèvres. Il ne se souvenait que trop bien de l'importance qu'accordaient les mortels à cette petite plante toute simple et lui-même y était pour beaucoup.

"Dites-moi, Zephyr, connaissez-vous la légende derrière le gui ? Savez-vous pourquoi les Midgardiens l'accrochent lors des fêtes et s'embrassent en dessous ? J'y suis pour beaucoup, vous savez… Ce ne sera peut-être pas une histoire que vous trouverez particulièrement joyeuse, mais j'avoue qu'elle me rend très nostalgique ! Souhaitez-vous l'entendre ?"

Il tu ses intentions futures, bien évidemment, car il comptait bien l'embrasser à pleine bouche et lui montrer de quoi il était véritablement capable, si elle réagissait bien à l'histoire, évidemment. La chute de Baldr était pour beaucoup une traîtrise de la pire espèce de la part du dieu de la Malice et de la Fourberie, bien que Loki ne le voyait pas ainsi. Lui était persuadé qu'il avait fait don au monde entier d'une vie paisible sans un abruti de dieu qui se plaignait toujours de tout et de rien et surtout qui était trop imbu de sa petite personne insignifiante.

Loki voyait très bien quel genre de femme Zephyr Haddock était ; c'était une effrontée, une rebelle, elle aimait jouer avec le feu. Et ça lui plaisait. Lui-même avait des tendances un peu suicidaires, notamment lors de chacune de ses farces sur les autres dieux Asgardiens. Combien de fois s'était-il mis Thor, Odin, Sif et toute la bande des joyeux idiots à dos ? Combien de ses farces s'étaient conclues sur des menaces de mort ou sur des courses poursuites où il avait fallu qu'il soit le plus rapide ? Beaucoup trop.
Mais les paroles de Zephyr n'eurent pour conséquence que de le faire rire. C'était un rire discret qui n'échappa toutefois pas à la Midgardienne. Loki appréciait cet esprit, surtout lorsqu'elle le défiait lui personnellement. Il ne reculait jamais devant une bonne réplique bien sentie, surtout lorsqu'elle provenait d'une magnifique femme comme elle.

"Votre logique est implacable, comme d'habitude, chère Zephyr !", répondit-il plein de sarcasme. "Je vous assure que je n'avais nullement besoin d'enchanter les esprits de ses dépravés, surtout quand je n'avais aucunement prévu votre réaction si passionnée. Et si vous désirez tant une preuve de mon pouvoir extraordinaire, un mot de votre part et je fais voir à tous ceux ici présent un éléphant rose en train de jongler avec des quilles en feu."

Loki avait amorcé la légende derrière le gui et il vit un réel intérêt dans les yeux de la belle brune. Il se fit alors une joie de bomber le torse et de s'éclaircir la gorge avant de commencer son récit.
"Voyez-vous, Baldr était le dieu le plus aimé dans tout Asgard, et même dans les Neuf Royaumes confondus. Tous les dieux l'adulaient, le trouvaient magnifique, intelligent. Sauf qu'il n'était rien de tout ça, bien évidemment, ce n'était qu'un gamin narcissique qui tapait caprice sur caprice. Sa mère l'aimait tellement qu'elle voulait le rendre invulnérable à toute arme, à toute plante, à toute chose vivante en somme. Elle alla voir la totalité des êtres vivants afin de leur demander d'immuniser Baldr contre leurs attaques, ce qu'ils firent tous. Mais après quelques investigations de ma part, je découvris que Frigg avait oublié une malheureuse petite plante de rien du tout, qui paraissait inoffensive… le gui. Frigg soumit Baldr à un test devant tout Asgard et chacun devait lancer une arme sur ce débile afin de voir à quel point il était devenu parfait… Sauf que j'intervint très discrètement, demandant au dieu Hödd, qui était aveugle, de tirer une branche de gui sur Baldr. Cela le tua sur le coup, un peu comme Achille avec son talon dans la mythologie grecque. Frigg était bien évidemment malheureuse, moi heureux comme un prince, et elle partit jusque dans les enfers nordique demander à ma fille Hel de libérer l'âme de son fils. Elle accepta sous une seule condition ; que personne ne s'opposât au retour à la vie de Baldr. Je me déguisais ensuite en géante et m'y opposai fermement, clouant à jamais le bec de cette maudite famille ! Depuis, Frigg décida que le gui ne devrait plus être une arme, mais devrait être célébré comme une plante marquant l'amour, d'où le fait que les Midgardiens s'embrassent en-dessous. Je trouve ça finalement assez poétique, pas vous ?"

Loki s'était approché de plus en plus près de Zephyr, et sa main s'était glissée sur la joue de l'intéressée, la caressant doucement. Il réalisa soudainement que pour une mortelle, cette histoire pouvait être vraiment sordide et baissa les yeux.

"Veuillez me pardonner, Zephyr. Vous pensez sûrement que je ne mérite pas votre affection, après ce que j'ai fait. Je n'éprouve aucune culpabilité pour mes actes et ce ne sera jamais le cas, pas après tout ce qu'ils m'ont fait subir. Vous devez me penser un monstre, bien que ce n'était pas le cas il y a encore quelques jours…"

Il baissa sa main, conscient qu'aucune femme de ce monde ne pourrait jamais l'aimer. Etrangement, cela lui serra le cœur et un sourire triste vint animer son visage.

Pas d'éléphant rose qui jongle avec des quilles en feu pour aujourd'hui. Zephyr n'était peut-être pas si rebelle que ça, finalement. Mais il devait l'avouer que leur moment tranquille sous le gui n'était pas quelque chose qu'il avait envie de briser dans l'unique but de lui prouver ses pouvoirs. Ce moment n'était que pour eux deux, deux êtres perdus dans cette masse noire de monde, et Loki comptait bien en profiter.

D'ailleurs, il se retenait presque de sauter de joie alors que Zephyr n'émit aucune objection à ce qu'il raconte une partie de son histoire. Il vivait pour ça ; même dans ses cours, les étudiants l'interrompaient souvent pour qu'il leur conte des parties de sa vie qui étaient méconnues et qui les passionnaient. Pour eux, le dieu nordique était une véritable encyclopédie vivante au vu de son âge très avancé et de sa vie mouvementée. Et par tous les Ases, il adorait raconter des histoires. Il était connu pour ça ; Loki était un orateur né, son charisme décuplant dès qu'il prenait la parole. Et Zephyr, qui l'avait maltraité lors de leur première rencontre, semblait moins douter de ses pouvoirs et de son statut de dieu ; les choses rentraient enfin dans l'ordre ! Après tout, elle n'était qu'une mortelle et Loki s'en serait déjà désintéressé si elle ne possédait pas cet esprit plein de logique et cette beauté sans égal. Alors il lui compta comment il avait fait tué le fils de Frigg, si fier de son acte, mais s'était rendu compte à la fin de son récit que cette histoire n'allait peut-être bien être perçue par Zephyr, ni par quelconque mortel avec un cœur plein d'empathie. Après tout, elle ne connaissait pas toute l'histoire ; elle ne savait pas tout ce que lui avaient fait subir les Ases. Mais, bien entendu, elle devina que quelque chose n'allait pas. Elle devina que si Loki se montrait aussi féroce envers Odin et ses pairs, c'était qu'il avait subi quelque chose de grave de leurs mains. Mais Loki n'avait pas envie d'en parler, pas de ça, pas de toutes les raisons qui faisaient qu'il voulait les tuer un à un de manière exquisement lente. Et les prochaines paroles de Zephyr lui montrèrent qu'il avait bien fait de ne rien dire.

Elle défendait réellement Frigg et cet abruti de Baldr ? Elle trouvait ça… beau ?! Loki vit rouge l'espace d'un instant. Lui-même était très friand de poésie et de belles choses, mais ce qu'elle avait fait n'était purement que le signe égoïste d'une mort imprévue qui l'avait tiraillée. Frigg n'avait pas fait tout ça pour son fils, mais pour elle-même, pour se dédouaner de son échec cuisant que Loki lui avait révélé en pleine face. Loki allait répliquer de manière assez cinglante lorsqu'il entendit une voix féminine appeler son nom. Il se retourna et fit face à l'une de ses étudiantes, une des rares avec qui il n'avait pas encore couché, et sa bande d'amies. Les jeunes femmes le regardaient avec admiration et trépignaient d'impatience. Loki se détourna de Zephyr pour leur demander ce qu'elles voulaient et son étudiante lui demanda des conseils pour le devoir qu'il leur avait donné à faire pour le lundi matin. Loki sourit de toutes ses dents et s'exécuta avec joie. Il commença à expliquer le texte à lire et quelques significations de ce dernier pour lui donner des pistes, tout en bombant le torse et en anotant quelques livres à aller lire en complément. L'étudiante le remercia et partit avec ses amies en rigolant et Loki entendit même : "il est trop beau ton prof ! En plus c'est un dieu !" Loki bomba à nouveau le torse en les regardant partir avant de se tourner vers Zephyr.

"Pardonnez-moi, le travail me suit même au zoo ! Voulez-vous visiter le reste de cet endroit avec moi ?"